Opération FLY-TOX (3/4) : l’heure des règlements de comptes

Début septembre 1944, alors que les armées alliées progressent à toute vitesse à travers la Belgique, un inspecteur de la Banque de la Société Générale de Belgique remonte les files de chars américains à bord d’une camionnette. Objectif : se rendre dans les territoires libérés pour communiquer les consignes concoctées par le gouvernement belge à Londres. Il y va de la stabilité financière du pays.
Chronologie des événements
3 septembre
Libération de Bruxelles
4 septembre
Annonce par Camille Gutt depuis la BBC des premières mesures économiques à prendre pour le pays
5 septembre
Le texte des six arrêtés-lois est diffusé via Le Moniteur dont les premiers exemplaires sont expédiés à Bruxelles. La Banque prépare, sans plus tarder, la circulaire qui devra être diffusée dans ses agences
Allemands et collabos dans le même sac
La Louvière est la première étape importante du petit groupe. Arrivé en ville, « on conspue des Allemands [prisonniers], des masses de gens courent vers des endroits où on lynche des collaborateurs ». Vite, Mahieu et son équipe se mettent à la recherche des responsables du siège régional de la banque. « Nous avons vu M. Gaston Brachot, directeur, à son domicile, et M. Georges Tassignon par hasard en rue… Les instructions de l’administration centrale concernant les opérations permises et celles défendues ont été remises au directeur. Des mesures ont été immédiatement prises pour leur application, tant au siège administratif que dans les agences. Depuis la Libération, très peu d’opérations interdites ont été traitées. »

Et l’équipage prend la route de Mons.
« Toute la population est massée le long de la route, elle attend les Anglais ou les Américains et, à leur défaut, on nous acclame. On nous arrête plusieurs fois (brigade blanche ou autre) pour nous demander ce que nous faisons sur la route. Nous répondons toujours, imperturbables : affaire d’État ! Et le mot frappe tellement que l’on nous laisse passer de suite ».
— E. Mahieu
Arrivée à Mons vers 19h, l’équipe de l’inspecteur Mahieu prend contact avec le directeur du siège, M. François. « Les instructions de l’administration centrale vont être appliquées le 6 septembre; (…) toutes les agences du nord [de la zone] avaient fermé leur guichet depuis le samedi 2 septembre et attendaient les instructions de leur siège administratif. »
Dans la nuit, tous feux éteints

Mahieu quitte Mons vers 21h en dépit du couvre-feu. Il prend de nuit la route de Charleroi et se mêle aux colonnes américaines :
« Toutes nos lumières étaient éteintes, dans une tension d’esprit inimaginable pour maintenir les distances… Il est peu agréable de circuler derrière un tank non éclairé qui vous lance une poussière folle et dans un bruit de tonnerre. »
Tard dans la nuit, Mahieu rencontre le directeur du siège de Charleroi, Louis Hospied. Après quelques heures de sommeil, l’équipe inspecte au petit matin du 6 septembre quelques charbonnages et usines de la région qui appartiennent au groupe de la Société Générale. Ils constatent que la Résistance a réussi dans une large mesure à protéger l’outil contre les actes de sabotage des Allemands en retraite. Le siège de la banque a par contre subi quelques dégâts : vitres cassées, boiseries de fenêtres et portes arrachées. « On m’a vanté le courage et le sang-froid de M. Hospied qui, malgré la fusillade et le canon à ses portes, est resté calme et a pris immédiatement les mesures de sauvegarde ».
Les sièges de la Banque dans la tourmente
L’expédition reprend la route vers 10h30 en direction de Tournai. Cette fois, elle va à contresens des colonnes de chars américains, ce qui la ralentit sensiblement. Malgré la crainte d’être pris sous un de ces mastodontes à chenilles, Mahieu arrive à noter quelques détails de la route, comme ces cadavres de chevaux débités fébrilement par les habitants qui en récupèrent la viande ; ou ce camion belge où s’entassent cinq ou six femmes aux cheveux rasés et au front marqué au fer rouge de la croix gammée. L’expédition arrive à Tournai vers 14h et rend bien sûr visite aux dirigeants du siège administratif local : Fernand Courthéoux, Cherquefosse et Desmons.